Qu’est-ce que le Zen ?

Extrait de « Posture d’éveil », in Taisen Deshimaru, La Pratique du Zen, éd. Albin Michel, coll. Spiritualités vivantes, 1981.

La pratique de Zazen est le secret du Zen. Zazen est difficile, je le sais. Mais, pratiqué quotidiennement, il est très efficace pour l’élargissement de la conscience et le développement de l’intuition. Zazen ne dégage pas seulement une grande énergie, c’est une posture d’éveil. Pendant sa pratique, il ne faut pas chercher à atteindre quoi que ce soit. Sans objet, il est seulement concentration sur la posture, la respiration et l’attitude de l’esprit.

La posture. Assis au centre du zafu (coussin rond), on croise les jambes en lotus ou en demi-lotus. Si l’on rencontre une impossibilité, et qu’on croise simplement les jambes sans mettre un pied sur la cuisse, il convient néanmoins d’appuyer fortement sur le sol avec les genoux. Dans la posture du lotus, les pieds pressent sur chaque cuisse des zones comprenant des points d’acupuncture correspondant aux méridiens du foie, de la vésicule et du rein. […] Le bassin basculé en avant au niveau de la cinquième lombaire, la colonne vertébrale bien cambrée, le dos droit, on pousse la terre avec les genoux et le ciel avec la tête. Menton rentré, et par là même nuque redressée, ventre détendu, nez à la verticale du nombril, on est comme un arc tendu dont la flèche serait l’esprit. Une fois en position, on met les poings fermés (en serrant le pouce) sur les cuisses près des genoux, et l’on balance le dos bien droit, à gauche et à droite, sept ou huit fois en réduisant peu à peu le mouvement jusqu’à trouver la verticale d’équilibre. Alors on salue (gasshô), c’est-à-dire que l’on joint les mains devant soi, paume contre paume, à hauteur d’épaules, les bras pliés restant bien horizontaux. Il ne reste plus qu’à poser la main gauche dans la main droite, paumes vers le ciel, contre l’abdomen ; les pouces en contact par leur extrémité, maintenus horizontaux par une légère tension, ne dessinent ni montagne ni vallée. Les épaules tombent naturellement, comme effacées et rejetées en arrière. La pointe de la langue touche le palais. Le regard se pose de lui-même à environ un mètre de distance. Il est en fait porté vers l’intérieur. Les yeux mi-clos, ne regardent rien – même si, intuitivement, on voit tout !

La respiration joue un rôle primordial. […] La respiration zen n’est comparable à aucune autre. Elle vise avant tout à établir un rythme lent, puissant et naturel. Si l’on est concentré sur une expiration douce, longue et profonde, l’attention rassemblée sur la posture, l’inspiration viendra naturellement. L’air est rejeté lentement et silencieusement, tandis que la poussée due à l’expiration descend puissamment dans le ventre. On « pousse sur les intestins », provoquant un salutaire massage des organes internes. […]

L’attitude de l’esprit. La respiration juste ne peut surgir que d’une posture correcte. de même, l’attitude de l’esprit découle naturellement d’une profonde concentration sur la posture physique et la respiration. […] L’exercice du souffle juste permet permet de neutraliser les chocs nerveux, de maîtriser instincts et passions, de contrôler l’activité mentale. […] Assis en zazen, on laisse les images, les pensées, les formations mentales, surgissant de l’inconscient, passer comme nuages dans le ciel – sans s’y opposer, sans s’y accrocher. […] Et l’on arrive à l’inconscient profond, sans pensée, au-delà de toute pensée (hishiryo), vraie pureté. Le zen est très simple, et en même temps bien difficile à comprendre. C’est affaire d’effort et de répétition – comme la vie. Simplement assis, sans but ni esprit de profit, si votre posture, votre respiration et l’attitude de votre esprit sont en harmonie, vous comprenez le vrai zen, vous saisissez la Nature de Bouddha.